« Ça s'en va et ça revient » chantait Cloclo, sous la douche ou sur scène. La mode est ainsi. À l'image du flux et du reflux des vagues sur le rivage sablonneux, coincée dans un mouvement cyclique de retour vers le passé perpétuel, la mode puise dans les codes d'antan pour élaborer ceux de demain, faute d'inspiration ou par excès de facilité peut-être. En constatant cet état de fait, il apparaît donc prudent de ne se séparer de rien. C'est à ça que servent les cartons dans le garage. Et puis qui sait, peut-être que les sabots de bois de tata Huguette ou le costume en queue de pie de pépé seront les tendances incontournables de 2019 ?
Tel un boomerang, la banane revient
Qu'on la fasse flamber au rhum avec du sucre de canne ou qu'on la porte à la taille pour y ranger les clefs de l'hôtel et l'appareil photo jetable, la banane a toujours fait des émules. Alors qu'on la pensait à juste titre tombée dans les limbes obscurs des accessoires ringards, la banane signe cette année son retour sur le devant de la ceinture. On ne parle bien sûr pas du fruit ici, et encore moins de la coupe de cheveux. On pourrait croire à un canular de mauvais goût, c'est le cas de le dire, mais il n'en est rien. Il faut reconnaître que depuis 30 ans, les seuls êtres humains autorisés à arborer la banane dans l'espace public sont les touristes. Un peu comme le combo chaussettes-sandales. Or cette année, il n'en est plus question !
Mais, pourquoi ?
D'abord, la banane est mixte, a-genré, c'est-à-dire qu'elle est aussi ridicule sur un homme qu'une femme. C'est donc dans l'air du temps. Ensuite, louée pour ses qualités utilitaires, elle ne se prend pas au sérieux elle aurait tort et apporte un contraste sagace dans les soirées pomponnées. Ainsi, en boîte, la fashionista n'aura plus à ranger sa carte bleue contre la baleine du soutien-gorge, au risque de la perdre des suites d'un malencontreux mouvement. Elle n'aura plus non plus besoin de garder son smartphone dans les mains, ce qui permet de les avoir libres sur le dancefloor pour mieux tenir son mojito ou applaudir le DJ. La fashionista pourra enfin mixer les styles chic et sportswear et, par cet audacieux assemblage, faire montre d'un charme impétueux. Ce qui est plus difficile en arborant un jogging et des escarpins par exemple.
Heurter l'élégance commune
Évidemment, il y aura des réticences. Certains des mannequins les plus célèbres en font la promotion depuis quelques temps sur les réseaux sociaux, mais tout le monde n'est pas mannequin et encore moins célèbre. Il semble en effet difficile d'être convaincue tant la banane est l'archétype du ridicule vestimentaire. Et si on ne meurt pas du ridicule, ça peut quand même écorner l'image de soi. C'est bien pour cette raison que les plus grandes marques ont décidé de revisiter la banane pour la remettre au goût de ce printemps ; en la sculptant dans des matériaux plus nobles, comme le cuir, ou en lui offrant des lignes plus modernes et aérodynamiques. Également, pour ne pas être confondue avec un vulgaire touriste, les podiums de cette année nous ont appris à la porter en bandoulière, juste contre l'aisselle, ou en taille haute sous un long manteau. Un proverbe bambara nous dit que « tout a une fin, sauf la banane qui en a deux ». En attendant sa deuxième, osez-la ! Au pire, ça fera rire les tourterelles.
N'oublions pas que la prise de risque, c'est le sel de l'existence et l'essence même de la mode.